Propriétés médicinales des sangsues : zoom sur leur puissance curative
Les sangsues, bien que souvent perçues comme des créatures effrayantes ou repoussantes, sont en réalité d’incroyables réservoirs de composés bioactifs. Ces petits invertébrés ont de nombreuses vertus médicinales, appréciées depuis l’Antiquité. Alors, que cachent-elles réellement dans leur salive ? Quelles maladies peuvent-elles aider à traiter ? Voyons cela de plus près.
Modes d'action et substances actives
La capacité curative des sangsues réside principalement dans leur salive qui contient plus de 100 substances actives. Parmi les plus notables, citons l’hirudine, une anticoagulante puissante, la caline, qui prévient la coagulation, l’hyaluronidase qui favorise la diffusion de ces substances, et l’histamine, un vasodilatateur et anti-inflammatoire. Ces composants se combinent pour favoriser la circulation sanguine et réduire l’inflammation dans l’organisme.
Quelques substances reconnues et leurs effets bénéfiques
Pour faciliter leur alimentation, les sangsues libèrent une variété de composés bioactifs dans leur salive. Voici un aperçu de quelques substances reconnues :
1. Hirudine : L’hirudine, en inhibant la thrombine, empêche la formation de caillots sanguins. Cela peut être utile pour le traitement des thromboses veineuses, des varices, et dans à la suite de certaines chirurgies pour prévenir la formation de caillots postopératoires.
2. Caline : La caline retarde la coagulation du sang, prolongeant ainsi l’action de l’hirudine. C’est bénéfique dans les cas de maladies cardiovasculaires en général.
3. Histamine-like : L’histamine est une molécule connue pour son rôle dans les réactions immunitaires et inflammatoires de l’organisme. Les substances « histamine-like » trouvées dans la salive des sangsues ne provoquent pas une inflammation, mais elles aident à la réduire ou à la prévenir. On leur doit également un effet vasodilatateur qui pourrait contribuer à améliorer la circulation sanguine.
4. Hyaluronidase : Cette enzyme facilite la diffusion des autres substances de la salive des sangsues dans les tissus environnants, contribuant ainsi à maximiser leur effet thérapeutique au sein de l’organisme. Elle fluidifie les liquides du corps, permettant ainsi une meilleure circulation sanguine et lymphatique, tout en réduisant efficacement les hématomes.
5. Egline : Cette protéine est un inhibiteur puissant des enzymes responsables de l’inflammation, comme les élastases et les cathepsines. Elle est utile pour traiter diverses affections inflammatoires.
6. Destabilase : Elle dissout les caillots sanguins, jouant ainsi un rôle majeur dans la prévention des thromboses dans les cas de varices ou en prévention d’accident vasculaire cérébral.
7. Bdellines : Ces enzymes ont des propriétés anti-inflammatoires et empêchent la dégradation du tissu conjonctif. Elles pourraient être utilisées dans le traitement de maladies telles que l’arthrite, la polyarthrite rhumatoïde et d’autres affections dégénératives du tissu conjonctif.
8. Lipase et Cholestérolestérase : Ces enzymes, impliquées dans la dégradation des graisses, peuvent avoir des implications potentielles dans le traitement de maladies dites « métaboliques » (diabète, obésité, hypercholestérolémie, athérome, athérosclérose, …).
9. Chloromycétine : C’est un antibiotique puissant qui pourrait être utilisé pour traiter diverses infections.
La complexité de la salive des sangsues
La nature complexe de la salive des sangsues fait que toutes ses substances et leurs effets ne sont pas encore pleinement compris. En effet, observés de manière isolée, ils ne peuvent que dévoiler une partie de leur mécanisme, car lorsqu’ils interagissent ensemble, une synergie nouvelle prend forme. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour découvrir tous les secrets que recèlent ces créatures fascinantes.
La sangsue : une maîtresse de la régénération
Les sangsues sont également connues pour leur incroyable capacité de régénération. Par exemple, elles peuvent recréer de nouvelles connexions nerveuses en moins d’une semaine après avoir subi d’importants dommages dans leur système nerveux. Cette découverte ouvre des perspectives passionnantes pour le développement de nouveaux traitements dans les maladies neurodégénératives.
Effets thérapeutiques observés
Dans la pratique de l’hirudothérapie, plusieurs effets thérapeutiques sont observés, notamment :
a) Effet de saignée : L’utilisation des sangsues pour la saignée peut avoir des effets dépuratifs, décongestionnants et antiinflammatoires. Une sangsue peut aspirer environ 10 à 20 ml de sang en 20 à 120 minutes, et la plaie continue de saigner pendant 2 à 24-48 heures (ce qui représente une perte d’environ 20 ml par sangsue) à cause de la non-coagulation du sang.
b) Effet réflexe : Notre expérience en tant qu’hirudothérapeute nous a montré que l’application de sangsues sur les dermatomes et autres zones spécifiques de la peau qui sont liées à différents organes internes, a pu aider à soulager la douleur ou l’inflammation de ces organes.
c) Effet de succion : La succion par la sangsue crée une pression négative qui stimule le flux sanguin local. Comme si une dépressurisation avait lieu. Phénomène très intéressant pour les cas d’hypertension notamment.
d) Effet relaxant : L’application des sangsues a un effet relaxant et réconfortant. Nous constatons généralement une amélioration notable de l’humeur, du sommeil et des états dépressifs chez les consultants en hirudothérapie. Une étude publiée dans « Complementary Therapies in Clinical Practice » en 2011 a notamment révélé que l’hirudothérapie a un effet positif sur l’humeur et le stress.
e) Effet analgésique : Une étude publiée dans « BMJ » en 2004 a trouvé que les sangsues peuvent aider à réduire la douleur chez les patients atteints d’arthrose du genou. Cela peut être dû aux substances anesthésiantes injectées par la sangsue.
f) Effet vasodilatateur : Les substances histaminiques dans la salive de la sangsue sont bien connues pour leurs effets vasodilatateurs. Ces substances peuvent favoriser la circulation sanguine et aider à abaisser la tension.
En somme, malgré la répulsion qu’elles peuvent inspirer, les sangsues se révèlent être d’étonnantes alliées thérapeutiques dont il serait dommage de se priver. Il est clair que la recherche sur ces créatures fascinantes continuera à dévoiler de nouvelles possibilités de traitements pour de nombreuses pathologies. Malgré la réticence de certaines personnes à l’idée d’être traitées avec des sangsues, les preuves de l’efficacité de cette thérapie ancestrale sont indéniables.
Références :
Baskova, I.P., & Nikonov, G.I. (2008). [Bioactive compounds of medicinal leeches and their role in the treatment of human diseases]. Mol Biol (Mosk), 42(2), 231–243.
Michalsen, A., Roth, M., Dobos, G., & Aurich, M. (2008). Medicinal leech therapy-an overall perspective. Integr Med (Encinitas), 7(5), 28–36.
Singh, A. P. (2010). Medicinal leech therapy (Hirudotherapy): A brief overview. Complement Ther Clin Pract, 16(4), 213–215.